De l’archéologie ?
Conformément à la législation en vigueur depuis 1941, j’ai déposé à l’automne 2009 une demande d’autorisation de fouille auprès du service régional de l’archéologie d’Ile de France, l’un des services de la Direction régionale des affaires culturelles du ministère de la culture. J’en informai en même temps le responsable de ce service archéologique, qui me donna son accord oral. Comme le précise la loi du 27 septembre 1941 en effet, loi validée en 1945 et modifiée plusieurs fois depuis : « Nul ne peut effectuer sur un terrain lui appartenant ou appartenant à autrui des fouilles ou des sondages à l’effet de recherches de monuments ou d’objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie, sans en avoir au préalable obtenu l’autorisation ». Le Code du Patrimoine précise par ailleurs (article L510-1) : « Constituent des éléments du patrimoine archéologique tous les vestiges et autres traces de l’existence de l’humanité, dont la sauvegarde et l’étude, notamment par des fouilles ou des découvertes, permettent de retracer le développement de l’histoire de l’humanité et de sa relation avec l’environnement naturel ».
Comme le prévoit la réglementation, une demande d’autorisation de fouille est examinée préalablement par une commission d’experts nommés par le ministère de la Culture, la Commission interrégionale de la recherche archéologique (CIRA) – « interrégionale » car le territoire métropolitaine est réparti entre cinq CIRAs, l’Ile-de-FGrance relevant de la CIRA du Centre-Nord. On trouvera donc ci-contre l’avis négatif de la CIRA, sur rapport de Pierre Regaldo-Saint-Blancard, archéologue médiéviste au service régional de l’archéologie d’Aquitaine, rapport repris, éventuellement modifié, par la commission après délibération.
On trouvera dans la rubrique « Fouille 2010 » le détail de la discussion sur l’intérêt proprement archéologique du déterrement, et en particulier sur les limites chronologiques de l’archéologie. Ces dernières années, la fouille d’au moins deux camps de prisonniers allemands en Normandie datant des années 1946-1948 a été effectuée dans le cadre de la loi sur l’archéologie préventive, donc relève bien de l’archéologie. La limite entre les vestiges qui relèvent de l’archéologie et ceux qui n’en relèveraient pas se situerait donc quelque part entre 1948 et 1983 ?
On trouvera également ci-contre la protestation de la directrice des affaires culturelles d’Ile-de-France auprès du président de l’Institut national de recherches archéologiques préventives : l’Inrap en effet organisait en juin 2010 les premières journées nationales de l’archéologie, devenues depuis lors annuelles, et le chantier alors en cours de la fouille du Déjeuner sous l’Herbe, financé en grande partie par l’Inrap, figurait parmi ceux ouverts au public. Le président de l’Inrap, Jean-Paul Jacob, opposa d’ailleurs une fin de non-recevoir à la DRAC, arguant au contraire de l’intérêt de l’opération.
Cette même journée du 5 juin 2010 était prévue à l’origine une visite du ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, sur la fouille du Déjeuner, qui combinait art et archéologie. La haute administration du ministère réussit à faire pression pour que cette visite ministérielle soit annulée.
On remarquera pour finir que la loi de 1941, citée en introduction, mentionne explicitement les objets d’art parmi les recherches nécessitant autorisation, ce qui de toute façon invalide l’argument que la fouille du Déjeuner ne réclamait pas d’autorisation.
En juin 2013, la ministre de la Culture, Aurélie Fillippetti, remit à Daniel Spoerri, dans le cadre du Festival de l’Histoire de l’art de Fontainebleau, les insignes de Commandeur de la légion d’honneur. Elle fit allusion dans son discours à la fouille du Déjeuner ; mais le rédacteur du discours omit, ignorance ou diplomatie, de mentionner que ses services en avait refusé l’autorisation.
J.-P.D.